La République démocratique du Congo (RDC) traverse une période de grande instabilité. Les combattants du groupe rebelle M23 avancent dans l’est du pays, affrontant l’armée nationale et capturant des zones stratégiques.
En deux semaines, des milliers de personnes auraient été tuées. Ce conflit a exacerbé les tensions entre la RDC et son voisin, le Rwanda.
Origine du conflit
Cette crise complexe s’explique en partie par le parcours de Sultani Makenga, chef du M23, accusé de nombreux crimes de guerre. Son histoire reflète des décennies de conflits, des interventions étrangères et des luttes pour le contrôle des ressources minières congolaises.
Né le 25 décembre 1973 à Masisi, une ville verdoyante de la RDC, Makenga est issu de l’ethnie tutsi. À 17 ans, il abandonne l’école pour rejoindre une rébellion tutsi au Rwanda, le Front patriotique rwandais (FPR).
Le FPR exigeait une meilleure représentation des Tutsis dans le gouvernement rwandais, alors dominé par la majorité hutue. Il voulait aussi permettre le retour des réfugiés tutsis exilés à cause des violences ethniques.
Pendant quatre ans, Makenga combat l’armée hutue. Ce conflit est marqué par le génocide de 1994, où 800 000 Tutsis et Hutus modérés sont massacrés par les extrémistes hutus.
Dans une rare interview en 2013, Makenga déclarait : “Ma vie, c’est la guerre. Mon éducation, c’est la guerre. Mon langage, c’est la guerre… mais je respecte la paix.”
Le FPR finit par prendre Kigali, la capitale rwandaise, et renverse le gouvernement hutu. Makenga intègre alors l’armée rwandaise et devient sergent.
Un stratège militaire
Makenga se distingue par son habileté à organiser des embuscades, selon un ancien compagnon du FPR cité par le Rift Valley Institute.
Cependant, son manque d’éducation et sa maîtrise approximative du français et de l’anglais freinent sa progression militaire. Il reste réservé et peu à l’aise en public.
En 1997, il participe à la prise de pouvoir en RDC avec le soutien du Rwanda, renversant le dictateur Mobutu Sese Seko. Laurent-Désiré Kabila, un ancien chef rebelle congolais, devient président.
Mais Makenga entre en conflit avec ses supérieurs et refuse un ordre de retour au Rwanda. Il est arrêté et emprisonné sur l’île d’Iwawa.
Pendant ce temps, les relations entre Kabila et le Rwanda se dégradent. Kigali veut éliminer les milices hutues responsables du génocide, mais Kabila ne les combat pas suffisamment. En 1998, le Rwanda envahit la RDC.
Libéré, Makenga devient commandant au sein d’une rébellion soutenue par le Rwanda. Il gagne en influence, maîtrisant l’art de diriger des troupes sur le champ de bataille.
L’ascension dans le M23
Lorsque les troupes rwandaises pénètrent en RDC, la communauté tutsi locale est ciblée par des violences. Kabila accuse les Tutsis de soutenir l’invasion et incite à leur persécution.
Makenga, toujours en RDC, déclare : “Kabila était un politicien, moi non. Je suis un soldat et mon langage, c’est celui des armes.”
Le conflit mobilise plusieurs pays voisins et une force militaire de l’ONU. Plus de cinq millions de personnes meurent, principalement de faim et de maladies.
En 2003, un accord de paix met fin aux hostilités, mais Makenga reste actif dans des groupes armés opposés au gouvernement congolais.
Dans un effort de réconciliation, des rebelles tutsis, dont Makenga, sont intégrés à l’armée congolaise via un processus appelé “mixage”.
Mais la situation évolue et Makenga fait défection pour rejoindre le M23, un groupe rebelle de plus en plus influent.
Le M23 affirme défendre les droits des Tutsis et accuse le gouvernement congolais de ne pas respecter un accord de paix signé en 2009. Makenga devient rapidement général du groupe, puis son chef suprême.
En novembre 2012, il mène l’offensive sur Goma, une ville d’un million d’habitants. La RDC et l’ONU accusent le Rwanda de soutenir le M23, ce que Kigali nie.
Accusations de crimes de guerre
Dès 2012, Makenga et le M23 sont accusés de crimes de guerre. Les États-Unis lui imposent des sanctions pour recrutement d’enfants soldats et violences contre les civils. Il rejette ces accusations comme “infondées”.
L’ONU l’accuse de meurtres, mutilations, violences sexuelles et enlèvements.
Makenga fait aussi face à une division interne au sein du M23. Un groupe le soutient, un autre suit son rival, le général Bosco Ntaganda.
En 2013, ces tensions dégénèrent en conflit. Huit civils et trois soldats meurent. Makenga l’emporte et Ntaganda fuit au Rwanda, où il se rend à l’ambassade américaine.
Ntaganda, surnommé “le Terminator”, est condamné à 30 ans de prison par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre.
Mais peu après la victoire de Makenga, une menace plus grande surgit : l’ONU envoie 3 000 soldats pour aider l’armée congolaise à reprendre Goma. Le M23 est contraint de fuir et Makenga se réfugie en Ouganda, pays accusé de soutenir le M23, ce qu’il nie.
Kampala reçoit une demande d’extradition, mais ne l’exécute pas.
Le retour du M23
Pendant huit ans, la RDC connaît une relative accalmie, bien que d’autres groupes armés continuent de semer le chaos dans l’est du pays.
Mais en 2021, Makenga relance la rébellion. Ses hommes s’emparent de territoires dans la province du Nord-Kivu.
Plusieurs cessez-le-feu échouent. En 2023, un tribunal congolais le condamne à mort par contumace.
Le M23, soutenu par des milliers de soldats rwandais selon Kinshasa, continue son offensive. Makenga reste discret, laissant son porte-parole et Corneille Nangaa, chef d’une alliance rebelle incluant le M23, s’exprimer publiquement.
Mais il reste un stratège central du mouvement.
Makenga affirme combattre pour offrir un avenir meilleur à ses trois enfants. “Je ne suis pas un homme qui rejette la paix. J’ai un cœur, une famille, des proches que j’aime”, dit-il.
Pourtant, des millions de civils souffrent de cette guerre. S’il est capturé, il sera exécuté.
Mais il ne recule pas.
“Je suis prêt à tout sacrifier”, déclare-t-il.